Nucléaire : nouvelle menace de retard sur l’EPR de Flamanville
Un groupe d’experts de l’Autorité de sûreté nucléaire examinait mardi et mercredi le dossier des soudures litigieuses de l’EPR en construction dans la Manche. Si le collège de l’ASN impose des réparations, le chantier pourrait prendre à nouveau des mois, voire des années de retard.
Par Veronique LE BILLON
Publié à 09h36 le 11 04 19
Le ciel pourrait encore s’assombrir pour l’EPR en construction à Flamanville (Manche). Un groupe permanent d’experts de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) s’est penché, mardi et mercredi, sur les soudures ne répondant pas aux normes de qualité requises. Si EDF devait toutes les réparer, cela pourrait retarder à nouveau le chantier de plusieurs mois, voire plusieurs années. « Nous ferons un point d’étape ces prochains jours », a indiqué mercredi en fin de journée une porte-parole de l’Autorité. La décision finale de l’ASN sera rendue plus tard, probablement en juin, selon elle.
« Défauts de réalisation »
Fin janvier, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire Bernard Doroszczuk avait qualifié le sujet de « sérieux ». « Les exigences de haute qualité n’ont pas été intégralement respectées. Et de plus, un certain nombre de soudures de ce circuit de vapeur principal présentent des défauts de réalisation, des défauts par rapport à la norme standard », avait-il rappelé. EDF avait fait lui-même le choix d’une norme de haute qualité pour les soudures, afin de bénéficier d’une présomption d’« exclusion de rupture » de ces équipements, ce qui allégeait les études à mener pour démontrer la sûreté du futur réacteur.
Plusieurs dizaines de soudures ne respectent pas les normes de haute qualité exigées, mais le débat d’experts a surtout porté sur huit soudures litigieuses, les plus difficilement accessibles car traversant l’enceinte du bâtiment réacteur. « A ce stade, la stratégie d’EDF consiste à reprendre la plupart de ces soudures qui sont en écart, à l’exception de huit d’entre elles qui sont situées au niveau de la traversée enceinte qui sont difficilement accessibles et dont l’une d’entre elles présente un défaut », expliquait ainsi Bernard Doroszczuk.
Pour ces huit soudures, mal placées et donc très complexes à reprendre, EDF espérait justifier sur la base de calculs et d’essais la qualité des soudures, malgré leur non-respect des normes initiales. Ce qui semble désormais loin d’être garanti.
Délai de réparation
« Si à l’issue de l’instruction, l’ASN estimait que les justifications d’EDF n’étaient pas suffisantes et qu’il fallait reprendre ces huit soudures, le délai aujourd’hui envisagé par EDF pour la mise en service de l’EPR ne pourrait pas être respecté », indiquait fin janvier Bernard Doroszczuk .
« Le délai de réparation de ces soudures est assez long, en termes d’approvisionnement matière, de qualification des soudeurs, des modes opératoires donc ça prend un certain temps et ce temps n’est pas compatible avec le délai qui a été affiché à ce stade par EDF », avait-il précisé. EDF envisageait jusqu’à présent de charger le combustible en fin d’année, pour un démarrage progressif au premier semestre 2020. Un calendrier qui affiche déjà huit ans de retard par rapport aux prévisions initiales.
« Défaillance de la surveillance »
Rendus publics en février 2018 par l’ASN , ces défauts sur les soudures ont déjà conduit EDF à repousser d’un an le calendrier de mise en service de l’EPR et à budgéter 400 millions d’euros de surcoût, portant le coût de l’EPR à 10,9 milliards d’euros.
En octobre dernier, l’ASN avait critiqué « la défaillance de la surveillance d’EDF » sur la réalisation des soudures et s’était agacé d’avoir été informé très tardivement par l’électricien.
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