Jean Kergrist a tiré sa révérence à 79 ans et déposé son nez rouge de clown atomique ce 14 novembre à St Brieuc. Un dernier hommage lui sera rendu lors d’une cérémonie civile le mardi 19 Novembre à 14h30 à la salle polyvalente de Kergrist Moëlou.
Jean,
voilà deux mois, jour pour jour, au salon Dérivages à Planguenoual, tu m’avais calmement dit que tu ne verrais pas le printemps. C’était ainsi, tu en avais pris ton parti : il fallait partir. La grande marée de ta longue existence t’avait glissé le crabe qui grignotait chaque jour sa part de vie. Face à ce drame personnel devant lequel le commun des mortels se serait depuis longtemps effondré, tu avais choisi d’en rire. Après tout, puisque tu avais pris le temps de rire de tout et surtout des dérisoires simagrées des politiques et des administrations, pourquoi ne pas en faire de même de ta mort ? Et tu nous a toutes et tous engagés à faire de tes funérailles un de ces moments joyeux comme tu savais si bien les mettre en scène. Mais Jean, nous ne serons jamais à ta hauteur ! Comment remplacer un bateleur comme toi ? Ministre de l’Environnement bien avant Nicola Hulot, Super-préfet de Bretagne, de France et de Navarre, Grand Administrateur du combat contre les algues vertes, et jadis même Ministre atomique, pour tous ces rôles, le costume est trop grand pour chacun d’entre nous !
A moins qu’il ne se trouve un de ses dignes serviteurs de la République-au-profit-de-quelques-uns, à venir pleurer celui qui les a tant brocardés. Il devrait sans mal à lui tout seul, faire le spectacle, tant tu les as tous inspirés dans leurs propos, leurs mimiques, leur gestuel. Ce serait le dernier pied de nez rouge que tu pourrais leur faire. Et pour nous, après ce dernier éclat de rire, l’immense reconnaissance pour tout ce que tu nous a apporté. Car tu n’étais pas clown pour seulement donner de la bonne humeur au public. L’art du comique que tu maniais si bien, était d’abord pour toi un moyen de dénoncer les injustices, les passe-droits, et la main-mise des dirigeants de l’agro-alimentaire sur la vie économique et politique de la Bretagne. Tous tes spectacles étaient autant de leçons politiques. Et quand tu en avais fini, tu te lançais dans l’histoire, et en particulier celle des bagnards, chez toi à Glomel, condamnés à creuser le canal de Nantes à Brest.
Jean, je m’arrête là, non pas que la liste de tes faits d’arme soit close, mais j’ai peur que les larmes finissent par tout emporter, comme le jusant qui renvoie tout au large. Si loin que tu sois, que tu n’aies pas à rougir de nous qui t’avons promis de faire de tes funérailles un moment joyeux. Le chagrin et la peine, ce sera pour plus tard, quand nous serons seuls face à nos souvenirs.
Yves-Marie Le Lay (Coordination Verte et Bleue)