Michel Leclercq, citoyen dans le vent
Paru dans le Monde du 05/08/2016
Cet écologiste de terrain, enseignant et sculpteur, est à l’initiative du premier parc éolien financé par des habitants, dans la commune morbihannaise de Béganne.
S’il avait su qu’il lui faudrait remuer terre et ciel, Michel Leclercq aurait peut-être baissé les bras. « C’est sûr, il fallait être un peu fêlé pour y croire », dit-il avec le recul. Mais, ce matin de juin, au pied de l’un quatre grands mâts, dont les pales, entraînées par un vent capricieux, découpent l’horizon de la petite commune morbihannaise de Béganne (1 400 habitants), au bord de la Vilaine, il est heureux d’avoir mené à bien « un projet qui paraissait utopique ». Et partagé « une belle aventure collective ».
Cette aventure, c’est celle du « premier parc éolien citoyen », voulu, conçu et financé par les habitants. Le premier de France du moins. Chez nos voisins, en Allemagne, en Belgique ou au Danemark, l’investissement des particuliers dans les énergies vertes est depuis longtemps monnaie courante. Les gens de Béganne, eux, ont dû tout imaginer, du dossier technique au montage financier. Ils n’auraient probablement pas réussi si, depuis plus de dix ans, Michel Leclercq n’y avait mis toutes ses forces, et le plus clair de son temps.
« Nous avons été l’étincelle »
A le voir, à 62 ans, mèches indisciplinées, tee-shirt et nu-pieds, on l’imagine anticonformiste, tendance écolo. On ne se trompe pas. Après une enfance dans le Nord et des études d’arts plastiques, durant lesquelles il se rapproche des Amis de la Terre, il débarque en Bretagne, s’y attache et, quelques années plus tard, finit par s’y fixer. Il y enseigne l’art à des collégiens, avant de prendre une retraite précoce, pour se consacrer à la sculpture, sa deuxième vocation, et à l’association qu’il a créée en 2003 avec quelques amis, Eoliennes en pays de Vilaine.
« Nous avons été l’étincelle, mais le terreau était prêt », assure-t-il. Au départ, il s’agissait seulement d’équiper sa maison et celle d’un maraîcher bio de petites éoliennes d’occasion. Au fil des discussions, le projet a pris de l’ampleur, fédéré de nouveaux adhérents, pour finir en une ferme éolienne de 8 mégawatts qui produit, bon vent mal vent, l’équivalent de la consommation électrique de 8 000 foyers. L’électricité est injectée sur le réseau et vendue à EDF, avec un tarif de rachat garanti sur quinze ans ; ce qui assure la viabilité de l’opération.
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« Nous avons appris au fur et à mesure »
« Je n’avais aucune formation dans ce domaine, relate-t-il. Mais chacun est venu avec ses compétences, et nous avons appris au fur et à mesure, sur le tas. » Une sorte de « chantier d’éducation populaire ». Lui-même est devenu incollable sur les performances comparées des rotors, les statuts juridiques des entreprises, les contrats d’assurance ou les règles des marchés financiers. Il n’a pourtant « jamais eu l’âme d’un meneur ». Mais, comme il était « un peu disponible », il a accepté la présidence de l’association. Ce qui lui a valu « quelques nuits blanches », quand il a fallu engager financièrement le collectif, sans garantie bancaire et alors que le contrat avec EDF n’était pas encore signé.
De proche en proche, une cinquantaine de « clubs d’investisseurs citoyens » se sont montés. Au final, un millier de personnes, pour la plupart du cru ou des environs, sont devenues actionnaires de la société Bégawatts, créée pour gérer le parc éolien. Elles lui ont apporté 2,3 millions d’euros, sur un budget total de 12 millions, abondé par le mouvement Energie partagée et des banques partenaires. Les contributeurs devraient toucher leurs premiers dividendes en 2018, une fois la trésorerie consolidée.
http://www.lemonde.fr/festival/visuel/2016/08/05/ceuxquifont-un-vent-citoyen-souffle-dans-le-morbihan_4978932_4415198.html